La Grande Traversée de Charlevoix en autonomie et… à moitié seule!

La Grande Traversée de Charlevoix en autonomie et… à moitié seule!

La Traversée de Charlevoix, c’est un parcours de plus ou moins 105 km en forêts montagneuses au cœur de Charlevoix avec nuits en refuge. Il est possible de la faire en 6 nuits/7 jours ou 5 nuits/6 jours en combinant les deux premières journées comme j’ai fais. Les sentiers sont bien balisés, mais ils ne sont pas tracés mécaniquement. La traversée demande donc une bonne expérience en randonnée. Les journées varient entre 10 et 25 km avec beaucoup de montées, il faut être endurant et bien préparé. J’insiste vraiment sur le « bien préparé ». Ne prenez pas cette aventure à la légère.

J’ai choisi de faire la traversée en autonomie (en transportant tout mon matériel et toute ma nourriture), mais sachez qu’il est possible de la faire avec un dépôt de bagages à chaque refuge moyennant quelques dizaines de dollar (plus de 100$). De cette façon, vous diminuez la difficulté de la Traversée en vous enlevant du poids.

Conseil : Informez-vous lors de votre réservation si d’autres gens font la traversée en même temps que vous et s’ils prennent le dépôt de bagages. Vous pourrez ainsi rentrer en contact avec eux et diviser le coût à plusieurs personnes.

Pour avoir fait la traversée avec un backpack de 50lb, je vous conseille de ne pas prendre le dépôt de bagages! Si vous prenez le temps de bien vous préparer, ce sera une très belle expérience de partir avec tout le nécessaire sur le dos.

De plus, il faut prévoir un transport entre le point d’arrivé et le point de départ. Une fois arrivé au Mont Grand Fond (fin officielle), vous devrez retourner à votre voiture dans la Zec des Martres. Certaines personnes choisissent de faire de l’auto-stop alors que d’autres débourse les frais supplémentaires pour faire déplacer leur voiture (plus de 100$).

Conseil : Si vous êtes plusieurs avec une voiture, stationnez en une au départ et une à l’arrivée. Vous n’aurez qu’à payer l’essence pour deux voitures plutôt que de payer les frais de déplacement qui dépassent les 100$. Pour ma part, j’avais de la famille qui me récupérait à la fin de la traversée pour me ramener à ma voiture dans la Zec des Martres. Comme j’habite à Lévis, je leur ai payé seulement 30$ d’essence. Une belle économie de ce côté et ce fut un réel plaisir de voir de mon conjoint après 3 jours sur 6 seul dans les bois.

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Prendre la décision de partir à l’aventure, ça demande de la préparation.

La décision de faire la Grande Traversée de Charlevoix ne venait pas de moi. C’est ma partner officielle de randonnée qui m’a proposé ce projet alors que j’étais en voyage pour 6 semaines en Saskatchewan. Sans trop savoir dans quoi je m’embarquais et surtout, sans avoir le matériel nécessaire, j’ai dit oui tout de suite avec l’excitation d’un enfant qui ouvre son cadeau de Noël.

J’étais super enthousiasme avec l’idée de partir 6 jours en forêt en autonomie (sans électricité ni eau potable), que l’odeur du grand air me remontait psychologiquement dans nez juste à y penser. Sans perdre une seconde, j’enchainais les recherches sur internet : Comment filtrer l’eau? Quoi manger? Quoi mettre dans mon sac? Comment bien remplir mon sac? Cuisiner avec quoi? Quoi porter comme vêtements? Je voulais être bien préparer et surtout, être autosuffisante. Cette préparation m’aura été très utile à mi-parcours et vous comprendrez pourquoi en continuant la lecture.

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Jour 1 - Le départ (21 aout 2017)

Après plusieurs semaines de préparation et d’achats (surtout d’achats haha), j’étais prête pour ma première longue randonnée en autonomie. Nous avions 2 heures de route à faire pour se rendre au point de départ à la Zec des Martres. Je suis parti de Lévis à 4h30 du matin pour récupérer mon amie à Québec vers 5h00 et arriver vers 7h pour débuter le trajet de notre première journée avant 8h00.

Succès! Tout s’est déroulé comme prévue et en un claquement de doigt, nous étions sur le sentier en direction du premier refuge. Comme nous avions décidé de combiner les deux premières journées, nous avions environ 20km à faire avant d’être au premier refuge (qui est en réalité le deuxième de la Traversée – La Marmotte).

Vous devrez laisser les papiers de votre enregistrement visible dans votre voiture et dépendamment si vous vous stationnez à l’extérieur de la Zec ou à l’intérieur de celle-ci, vous aurez des frais supplémentaires à payer (l’accès à la Zec).

Conseil : Si Charlevoix n’est pas très près de votre demeure, laissez un sac dans la voiture contenant des vêtements confortables propre, de l’eau et de la nourriture supplémentaire (le chocolat est toujours bon pour la morale après 6 jours en autonomie, mais attention à la chaleur de l’été pour les aliments restant dans la voiture). Vous serez très heureux de pouvoir vous changer avec des vêtements propres et manger une bouchée sucrée à votre arrivé.

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Les premiers kilomètres ont été merveilleux. À mi-chemin, vous avez la possibilité de faire un sentier « standard » ou un « expert ». Nous avons choisi le sentier expert principalement parce qu’il nous rapprochait de l’intersection pour faire le mont des Morios.

Durant la traversée de Charlevoix, vous avez, à plusieurs points, la possibilité de faire des monts supplémentaires. Le mont des Morios en fait partie.

Ce fut réellement un sentier expert avec un grand dénivelé en peu de temps.

Conseil : Arrivé à l’intersection pour faire le mont des Morios, vous pouvez cacher votre sac en dehors du sentier pour rendre la montée des Morios un peu plus facilement. De toute façon, comme cette partie est facultative, nous revenons sur nos pas (aller-retour) pour se rendre au refuge.

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Pour aller plus vite, nous avons choisi de se rendre au sommet des Morios par le parcours expert, encore une fois. Avec de grands cordages, c’était tout qu’un défi après avoir parcourus environ 16 km préalablement.

Quelle belle montagne! Je vous la recommande, mais soyez conscient que votre journée augmentera en longueur et en difficulté à cause du dénivelé.

20 kilomètres plus tard, nous relaxions sur le bord d’un lac près du refuge La Marmotte. Quel plaisir!

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Jour 2 – Faire face à l’abandon

Le premier matin en refuge est toujours un peu brutal. Comme un lendemain de veille, mais sans alcool. On est un peu endolori, mais ça ne prend pas de temps que notre excitation revient au galop. Encore 5 jours !

Comme pour les 4 prochains matins que nous avions devant nous, il fallait tout remballer son sac pour repartir marcher vers notre prochaine destination : refuge La Chouette. Dites-vous qu’à chaque jour, votre sac est de moins en moins lourd et qu’il est de moins en moins plein.

C’est vers midi que ma partner m’annonça qu’elle était fatiguée et qu’elle désirait quitter l’aventure. La première journée avec tous nos extras lui a apporté beaucoup de douleur au genou. J’ai donc dû faire face à son abandon.

Je n’ai pas voulu m’interposer dans sa décision de quitter. Alors je lui ai dit qu’elle devait écouter son corps et faire elle-même, sans aucune influence, le choix de rester ou de quitter. Je vous conseille d’ailleurs la même chose. N’essayez pas de suivre quelqu’un si vous vous sentez physiquement et mentalement incapable. Le risque d’accident devient plus important.

Il faut savoir que vous ne pouvez pas quitter à n’importe quel moment la Traversée de Charlevoix à moins de contacter le service d’urgence qui viendra vous récupérer en véhicule tout terrain moyennant environ 200$. Il y a par contre quelques sorties d’urgence pour pouvoir quitter de votre plein grés sans intervention. Il faut aussi savoir qu’il est possible de faire la demi-traversée qui se termine dans le parc des Hautes-Gorges. C’est donc la décision que mon amie à prise : quitter lors de la troisième journée (le lendemain), par le parc des Hautes-Gorges, soit à la moitié du trajet. Sage décision.

Nous avons terminé la journée, 11 kilomètres plus tard, un peu amèrement, mais dans un endroit totalement féérique. Le refuge La Chouette entouré d’arbres et de sapins est positionné face à un petit lac avec une montagne en arrière-plan. C’était merveilleux de pouvoir écouter la nature en se reposant en face de ce havre.

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Jour 3 – La séparation 

Les matins sont devenus vite routinier : rouler le sleeping, déjeuner, s’habiller, ranger son sac, mettre ses bottes et partir. Une routine que j’aimerais bien pratiquer à l’année haha.

Je vous avoue que j’étais un peu fâchée à l’intérieur de moi et les premiers kilomètres n’ont pas été les plus agréables. J’étais fâché que mon amie m’abandonne, mais après quelques heures, je me suis mis à penser à l’expérience incroyable que cette situation allait m’apporter. Parcourir environ 55 kilomètres seul à la merci de la nature, c’était toute qu’une belle aventure qui m’attendait.

Arrivée dans le parc des Hautes-Gorges (tout près de l’Acropole des Draveurs), j’ai dit au revoir à ma partner ainsi qu’au couple de Français qui faisait la demi-traversée en même temps que nous. Mon amie était donc en sécurité avec d’autres gens alors que son conjoint était tout près d’arriver pour la ramener à la maison. Je suis repartie pour faire les 6 kilomètres restant avant le troisième refuge : Le Gaie Bleu, qui s’avérait être le plus beau de tous!

Wow! 22 kilomètres plus tard, la surprise à l’arrivée au chalet fut merveilleuse.

Le refuge Gaie Bleu est perché sur une falaise menant aux pieds de la rivière Malbaie. J’ai passé plusieurs heures les pieds dans l’eau et la musique à l’oreille à penser aux jours restant de la Traversée de Charlevoix. Un beau souvenir que je garde de ce moment.

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Jour 4 – Être seule nous fait beaucoup réfléchir

 Rouler le sac de couchage, déjeuner, s’habiller, faire son sac et partir – seul. J’ai beaucoup insisté sur le mot « seul » dans les derniers paragraphes, mais je n’ai pas réalisé un exploit. J’ai simplement écouté mon orgueil et mon désir d’accomplissement pour terminer l’aventure en entier. Je voulais le faire et je l’ai fait!

J’ai passé beaucoup de temps à réfléchir sur ma vie tout en avançant. Ça été une journée délicieuse pour mon mental.

La température était magnifique et j’ai profité du temps au maximum. 16 kilomètres plus tard, j’arrivais au refuge Le Coyote qui était près d’un cours d’eau. Ce qui m’a permis de me laver les cheveux, quelle joie après 3 jours sous le soleil chaud d’été.

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Jour 5 – J’ai causé beaucoup d’inquiétude

C’était ma première longue randonnée en autonomie et elle s’avéra être ma première en solo aussi. Ma famille était donc inquiète que je sois seul dans les profondeurs de Charlevoix (j’en mets un peu ici haha). Particulièrement lors de la cinquième journée, j’ai causé beaucoup d’inquiétude. Pendant plus de 12 heures je n’ai pas eu aucun réseau, aucun signal. Vous me direz que ce n’est pas très grave 12 heures, mais avec les conditions nouvelles de mon parcours, ma mère s’est beaucoup inquiétée. Ce n’est que le lendemain que j’ai pu dire que j’étais correct et que l’aventure continuait!

Conseil : Durant la Traversée de Charlevoix, nous rencontrons beaucoup d’endroits sans réseau ni signal. Ayez alors une trousse de premiers soins pour pouvoir intervenir rapidement en cas d’urgence. J’avais la mienne à proximité.

Quand j’ai vu la balise qui indiquait 1 kilomètre avant le dernier refuge (l’Épervier), j’étais super excitée. Excitée de m’être rendu jusque-là. J’ai alors pris le temps de m’assoir et de profiter de la nature et de la belle température. J’ai passé des heures à ramasser des bleuets sauvages et je n’exagère même pas. J’ai réalisé que ça ne servait totalement à rien de se dépêcher et d’être stressé d’arriver rapidement aux refuges. Vaut mieux prendre son temps et profiter de chaque moment.

Après 19 kilomètres, les bleuets étaient délicieux au refuge!

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Jour 6 – Les derniers miles

N’écoutez pas les gens qui vous diront que la dernière journée est la plus facile puisqu’elle n’est que de 10 kilomètres. Avec la fatigue et les ampoules aux pieds, certains mètres dans les roches ont été pénibles, mais j’ai bien évidemment continué. J’avais tellement hâte de terminer même s’il y a toujours cette petite voix en moi qui apprécie ce genre d’aventure et qui ne voudrait jamais en sortir. Je marchais en me demandant qu’elle serait ma prochaine destination en sachant très bien que mes pieds allaient avoir besoin de plusieurs jours, voir plusieurs semaines de convalescence.

Environ 100 kilomètres, 6 journées, de l’expérience plein la tête et 9 ampoules plus tard, j’apercevais la balise « 5 km ». Le sourire sur mon visage parlait de lui-même. J’avais très hâte de pouvoir mettre mon pied par terre au point d’arrivée et dire « I’ve made it! ». C’était une question de minutes. Probablement le même sentiment que ceux qui sont à quelques mètres du sommet de l’Everest, mais dilué au maximum haha.

C’est un peu avant la balise « 2 km » que j’ai rencontré un coureur qui m’a gentiment crié « Tu y es presque! ». Merci monsieur! Et je suis repartie rapidement, comme une athlète au point de départ de sa première course olympique (enfin, presque).

Quand j’ai vu la pancarte mont Grand Fond, 11 kilomètres plus tard, j’ai versé une petite larme. Bien oui! J’étais fière de moi et j’espère que vous le serez si vous décider de faire la Grande Traversée de Charlevoix peu importe votre condition physique. Je sais que pour certains, une aventure comme celle-là c’est beaucoup plus facile que pour d’autres, mais tout le monde doit en être fier.

C’est donc comme ça, environ 105 kilomètres plus tard, que j’ai accompli la Grande Traversée de Charlevoix en autonomie et… à moitié seul!

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Kareen - L'aventurière des bois (Facebook)
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Merci beaucoup d'avoir pris le temps de lire cet article. J’espère sincèrement qu'il vous inspirera lors de la planification de votre prochaine longue randonnée.